Le génie de Karlovy Vary ~:~ Au coeur de l'empire austro-hongrois

Karlovy Vary

 




Un monde de calme et de sérénité

La position géographique de Karlovy Vary est à l’origine de son caractère romantique. Le scientifique Alexander von Humbolt décrivait en 1820 la ville comme « un diamant dans une bordure d’émeraudes. » Elle s’étend sur les bords de la rivière Teplá, encaissée dans une vallée étroite bordée de forêts. Les témoignages des visiteurs de Karlovy Vary soulignent l’importance du site : « Je me trouve enfermé dans une vallée étroite mais gracieuse qui est tellement isolée du monde extérieur que nous ne savons même pas comment est le ciel derrière ses murs. » Dans un guide de l’écrivain praguois W. A. Gerle, nous pouvons lire : « Karlovy Vary (…) crée son monde idyllique propre. Ici, on oublie facilement les soucis qui résident derrière les montagnes. » L’écrivain Henrich Laube désigne la ville comme le « bout du monde ». Ces descriptions nous montrent un Karlovy Vary appréciée tout au long de l’histoire pour la beauté de son cadre naturel qui permettait à ses visiteurs de considérer leur séjour comme une coupure dans leur vie quotidienne.

Un monde de multiculturalité et de tolérance

La ville fut considérée comme un « terrain neutre » pour des rencontres de tout genre. Nous trouvons plusieurs témoignages décrivant son esprit de tolérance : « Devant les sources bouillantes règne un principe démocratique. Les princes, les commerçants ou les danseuses – tous avancent d’un pas d’oie vers la source comme une grande famille pacifique. » Certains visiteurs soulignaient en quoi l’atmosphère de Karlovy Vary rappelait celles des grandes capitales de l’époque : « Cette vie riche a un aspect international. Près de la source, on retrouve dans l’agitation des gens des points communs avec la Ringstrasse à Vienne, avec Tolède ou Naples, avec le boulevard des Capucins à Paris ou avec Broadway à New York. » La ressemblance de Karlovy Vary avec Vienne peut être expliquée par l’influence des architectes viennois qui symbolise ainsi la longue tradition de loyauté de la ville à l’Empire autrichien. Par la même, Karlovy Vary apparaît à l’égal de Prague comme une synthèse réussie des cultures tchèque, allemande et même russe.    
Le caractère mondain de Karlovy Vary eut un impact sur le comportement des visiteurs. De manière générale, les villes thermales étaient un lieu de vacances où les gens pouvaient jouer le rôle de quelqu’un d’autre. C’est pourquoi certains visiteurs ne venaient pas forcément à Karlovy Vary pour se faire soigner mais surtout pour se montrer et pour jouer en quelque sorte la comédie en se faisant passer pour quelqu’un de différent. De ce point de vue, les colonnades s’apparentent à une grande scène théâtrale où se promenaient la crème de la société. La tradition des festivals de film a renoué avec cet héritage : les grandes stars du cinéma viennent se montrer à Karlovy Vary. Au festival de 2005 se sont présentés l’acteur et metteur en scène Robert Redford ou l’actrice Sharon Stone. Un an plus tôt, le festival a accueilli le metteur en scène Roman Polanski ou l’acteur Elijah Wood (photo ci-contre). Pour un petit pays comme la République Tchèque, la présence de ces personnages célèbres est un événement tout à fait exceptionnel.

La ville comme source d’inspiration pour les artistes

Ce « résultat artistique de plusieurs siècles », inspira les créations de toutes sortes. A partir des descriptions par les écrivains, nous avons l’impression que cette atmosphère de tranquillité engendrait parfois à l’ennui, ennui qui motivait les visiteurs à chercher des sources de distraction. Le dernier séjour de Goethe en 1823 fut ainsi motivé par ses sentiments envers une jeune fille, Ulrika von Levetzow, qui avait alors 19 ans. Après qu’elle eut refusé ce cavalier de 74 ans, Goethe quitta Karlovy Vary et ne revint plus jamais. Plusieurs romans de Milan Kundera se déroulent dans les stations thermales qui sont présentées chez lui comme un lieu de relâchement de moeurs et même d’adultère pour pallier au stéréotype de tous les jours. C’est le cas du docteur Havel dans les Risibles amours ou du trompettiste Klíma dans La valse aux adieux. Les stations thermales peuvent ainsi apparaître comme un endroit anonyme où les gens, sous le prétexte de se reposer, viennent chercher des aventures qu’ils ne pourraient pas se permettre chez eux.

Perspectives contemporaines

Malgré les difficultés connues au XXe siècle, la ville a su préserver ses beautés naturelle et culturelle qui attiraient déjà au XVe siècle des visiteurs du monde entier. Aujourd’hui, elle a malheureusement subi un sort similaire à celui de Prague : le tourisme de masse a pris le dessus, ce qui rend l’appréciation de ses charmes plus difficile. Le centre historique est devenu une grande vitrine pour touristes du monde entier. Pendant la saison principale, des troupeaux d’Espagnols, de Japonais ou d’Allemands suivent leur guide qui, pendant une visite à la japonaise, veut faire revivre l’histoire et les légendes de Karlovy Vary à un rythme de travailleur à la chaîne. Ensuite, les touristes dévalisent les boutiques pour emporter bouteilles de Becherovka, tasses de céramique locale ou biscuits typiques. Pour apprécier pleinement la beauté de cette ville, il faut rester plusieurs jours, se promener et observer les gens, relire les témoignages des écrivains et essayer de saisir nous-mêmes le vrai genius loci.