La fondation légendaire de la
ville
Le nom de la ville rappelle les circonstances de sa fondation
en 1358. Au cours d'une chasse, le roi Charles IV vit un
cerf se jeter d'un rocher dans un gouffre. Après
être descendus dans la vallée, les chasseurs
tombèrent sur une source bouillante qui venait de
2000 mètres sous terre et jaillissait à une
hauteur de 15 m. On expliqua au roi qu'il s'agissait de
source curative, appelée Vary (bouillante).
Charles IV décida de fonder ici une ville qui porterait
son nom et où les gens viendraient se faire soigner.
Le rocher d'où sauta le brave cerf qui périt
cuit dans les eaux de la source s'appela désormais
Le saut du cerf. Sur son sommet se trouve aujourd'hui
la statue d'un chamois.
La ville continua à se développer des deux
côtés de la rivière Teplá (Chaude).
L'eau fut conduite par des aqueducs en bois de la source
principale jusqu'aux maisons thermales. A part les effets
curatifs, elle fut utilisée pour le lavage de linge
et, comme l'exemple du pauvre cerf l'a montré, pour
échauder les canards, les oies et les porcs. Cette
pratique ne fut interdite qu'au XIXe siècle.
Le roi Venceslas IV accorda à la ville au XIVe siècle
le droit d'asile qui interdisait de poursuivre les criminels
à l'intérieur. L'aristocratie fut interdite
de menacer la ville avec ses armées, ce qui lui conféra
le statut de ville ouverte sans remparts. La renommée
de Karlovy Vary traversa dès le XVe siècle
les frontières du royaume de Bohême. Dans un
livre sur les stations thermales publié en 1840 à
Nuremberg, Karlovy Vary était la seule ville d'eau
tchèque mentionnée.
La ville gothique fut détruite au début du
XVIIe siècle par un incendie, la pierre remplaça
désormais le bois. Le siècle suivant fit entrer
la ville dans la littérature. En dehors des uvres
poétiques, les écrits des médecins
nous permettent de connaître les pratiques médicales
et la vie quotidienne à Karlovy Vary. Le médecin
Václav Payer précise que jusqu'au XVIe siècle,
les bains furent utilisés comme seule méthode
curative. Il a introduit une nouvelle méthode : une
cure par l'absorbtion d'eau qui est utilisée encore
de nos jours. Elle fut parfois utilisée jusqu'à
l'extrême puisque vers 1750, la dose recommandée
pouvait atteindre 70 tasses d'eau par jour.
L'âge d'or de Karlovy Vary
La ville devint un vrai centre de la vie mondaine au début
du XVIIIe siècle. L'aristocratie autrichienne, allemande,
polonaise et russe ainsi que les familles nobles tchèques
commencèrent à venir en masse. Karlovy Vary
fut même honorée par la visite des membres
de la famille impérialle autrichienne et des rois
prussien et polonais. Le tsar russe Pierre le Grand est
encore aujourd'hui considéré comme un des
plus grands visiteurs. On raconte sur lui qu'il aidait les
maçons dans leur travail, il n'hésitait pas
à gâcher le ciment ou mettre le crépi.
Du côté allemand, nous pouvons rappeler la
présence de Johann Wolfgang Goethe qui séjourna
ici treize fois. Il aurait déclaré qu'à
part Weimar et Rome, Karlovy Vary est le lieu où
il voudrait vivre. Les séjours des compositeurs et
musiciens célèbres tels que L. van Beethoven,
F. Chopin ou N. Paganini Karlovy Vary contribuèrent
à la réputation musicale de la ville.
Cette époque fut marquée également
par des changements de méthodes curatives. Le médecin
David Becher (connu aujourd'hui plutôt grâce
à l'alcool typique de Karlovy Vary, le Becherovka)
démontra que la composition chimique des sources
était plus ou moins identique, la différence
principale étant leur température et la teneur
en gaz carbonique. Il recommendait aux malades de boire
seulement de petites quantités directement à
la source où l'eau était la plus riche en
de gaz carbonique. Cette nouvelle méthode a rendu
nécessaire la construction de salles, de colonnade
couvertes et de chemins de randonnée, la marche à
pieds étant fortement recommandée.
Au moment des révolutions de 1848, les habitants
de Karlovy Vary restèrent fidèles à
la couronne, ce qui valut à leur ville l'attribution
du statut de ville thermale. Ils avaient en même temps
le droit d'utiliser librement la taxe thermale payée
par tous les visiteurs, ce qui contribua à un essor
sans précédent de la ville. Le nombre de visiteurs
était d'environ 250 en 1764, il augmenta jusqu'à
71 000 avant la Première Guerre mondiale. Le XIXe
siècle fut donc pour Karlovy Vary l'âge d'or.
Cette augmentation de visiteurs se traduisit par l'introduction
de curelistes qui recensaient les visiteurs.
Depuis la fin du XVIIIe siècle, ils furent publiés
par l'imprimerie locale, Franieck.
Après la destruction de la ville baroque par un incendie
au milieu du XVIIIe siècle, la période de
la Renaissance nationale tchèque dans la deuxième
moitié du XIXe siècle donna à Karlovy
Vary son empreinte architecturale décisive. Josef
Zítek, l'architecte le plus connu qui avait fait
construire le Théâtre national à Prague,
dessina le projet de la colonnade monumentale abritant la
source du moulin qui est un élément
essentiel du charme de la ville. A cette même époque
fut construit le Grandhotel Pupp devenu l'hôtel le
plus connu de l'Europe centrale. La communauté russe
fit à cette époque construire une église
orthodoxe sur le modèle de la cathédrale Saint-Basile
à Moscou. Cette profusion de nouveaux bâtiments
fut clôturée en 1912 par la construction de
l'hôtel Imperial qui, par sa ressemblance à
un château médiéval, domine toute la
vallée.
Le déclin après la Première
Guerre mondiale
La guerre mit fin à la Belle Epoque autrichienne
à laquelle fut lié l'essor de Karlovy Vary.
La ville renoua après la guerre avec ses activités
thermales, sa prospérité fut cependant atteinte
à cause de la baisse des visiteurs. Elle pâtit
de la situation nationale difficile dans les régions
frontalières de la nouvelle république tchécoslovaque.
Les Allemands qui avaient vécu ici pendant des siècles
se sont insurgés en mars 1919 contre la domination
tchèque. La crise fut résolue par l'intervention
de l'armée tchécoslovaque et se termina par
la mort de six Allemands. Cet événement inaugura
une période de conflits incessants entre les Tchèques
et les Allemands à laquelle mit fin seulement la
seconde Guerre Mondiale. Pendant la guerre, les activités
thermales furent limitées, on convertit de nombreuses
maisons en hôpitaux militaires.
Après la prise du pouvoir par les communistes en
1948, les activités thermales furent nationalisées.
Comme pour la plupart des villes tchèques, cette
période fut marquée par la dégradation
du patrimoine historique de la ville. On attribua aux stations
thermales une nouvelle tâche : servir de centre de
récréation à la nouvelle élite
politique du pays. Parallèlement, les établissements
thermaux élargirent leurs activités sur toute
l'année.
En 1946 fut inaugurée pour la première fois
le Festival de film de Karlovy Vary qui attire tous les
ans des milliers de cinéphiles. Cet événement
mondain où se cotoient les gens du monde entier est
une nouvelle preuve du caractère cosmopolite de Karlovy
Vary. Nous pouvons donc nous interroger ce qui fait le charme
de cette ville d'eau, lieu de rendez-vous des élites
au passé et au présent.
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